c'est arrivé quand t'avais six ans. Tu t'en souviens pas, mais t'as eut peur. Très peu. - J'pas cessé d'avoir peur tu sais.
Fut un temps il me racontait souvent cette histoire. Celle d'une femme, au regard noisette, aux cheveux bruns, au sourire lumineux. L'genre de femme que personne ne remarque, mais qui arrache le coeur pour ceux qui sont qui refusent d'être aveugle. Il est aisé de tomber à genoux devant des femmes irréelles - disait-il - qui ont autant de coeur qu'elles ont de laideur enfuit sous les courbes et les airs de déesses. Mais elle, il l'avait aimé aisément, sans sombrer dans les passions ou courir en enfer l'arracher à la barque de Charon. Il n'y eut de souffrance qu'à sa mort, sous la baguette d'Orion Black. Il l'avait aimé, m'a-t-il toujours dit. Ma mère - il l'avait aimé, et elle fut la seule femme qu'il aima de la sorte. La seule, comme après sa mort, une fois ma naissance découverte par les Black, elle fut assassinée cruellement.
« Fuyons, il n'y a rien que tu puisse faire. » Il m'avait compté nombre de fois, comment il avait perdu le souffle, ou la capacité de marcher, lorsque le corps de Freya tomba à terre. Comme il n'y eut que son meilleur ami pour l'attraper, et dans un dernier cri le faire disparaitre.
Trois ans.
Trois ans, marchant dans la neige épaisse de l'hiver, j'apprenais à marcher, riant sous les flocons alors que les deux sorciers m'observaient. Quelques part - en Ecosse, en Irlande, ou ailleurs. Je marchais, ignorant le reste du monde pour n'avoir d'yeux que pour les flocons qui flottaient sur la terre.
« Tu pensais pouvoir nous échapper. » Ils étaient des légions. Non devant le cotage qui était le notre, mais dans la ville de Glasgow. Ils étaient légions, et un temps dans la foule, j'étais perdue.
Six ans.
Six ans, et je me déchainais contre la poigne qui m'avait emporté dans les rues d'Ecosse. La neige tombait encore, dans mon souvenir, ou étaient-ce les larmes quand la peur m'étreignit la poitrine.
Tu pensais pouvoir nous échapper - gueulaient-ils avec leurs regards noirs. Les baguettes braquées sur mon corps d'enfant, avant qu'un hurlement se fasse entendre au loin. Rouge, bleu - verte. Foudroyant la poitrine d'un homme passant non loin. Mort. Foudroyé. Mort. Le cadavre tombant à mes pieds, et la panique prenant la foule. Alors, c'était un flot de peur, me faisant perdre le souffle. Et cette envie de mourir ou de disparaitre. Disparaitre encore.
Noire.
Et soudainement le silence, quand le portoloin nous amena loin. Loin. Et la peur, de dehors. Des gens, de la foule, du monde, de la lueur verte foudroyante. La peur de la mort. Les Black - ils étaient les Black, notre famille, les notre. Je fut morte, à leur yeux, et Père fut un paria, qui dût faire repentance pour garder son nom. Il m'en parlait, parfois. Il me comptait les aventures de Sirius, Regulus, Narcissa, Bellatrix, Andromeda. Des histoires qui n'étaient pas pour les enfants, murmuraient la nuit avec cette lueur de tristesse dans les yeux.
« Laisse moi rester à tes côtés Alphard. Ca a toujours été ma place. » « Tu as tout abandonné pour moi, pour nous. Ce n'est pas juste de te demander de continuer de vivre ici. Loin de tout, loin des tiens. » « Je t'appartiens à toi. Ne le vois-tu donc pas ? Ne vois-tu donc pas combien je t'aime, combien je t'ai toujours aimé ? » « Tu te condamne, Ezio. Tu ne peux pas - » Le bruit d'un baiser brisa le silence, et il ne resta alors qu'un sourire naissant sur le visage de trois sorciers.
tu dois pas leur dire, Lyra, tu dois jamais leur dire notre secret. - faudrait que je leur parle, mais à part dans ma tête, ca n'arrivera jamais.
J'me souviens de la neige - peut être parce que c'était une chose qui restait longtemps. Longtemps - elle touchait l'sol pour l'embrasser, en fait un tapis sur l'quel les gamins s'mettaient à rire et glisser. Les gamins au dehors, ceux qui m'semblaient terrifiant autant qu'ils m'fascinaient. Je m'en souviens - j'peux pas oublier, comme ils ont tous une place particulière dans des histoires dont ils sont les héros - ils sont des héros, comme j'vis pas d'histoire dans mon palais d'glace. J'vis pas d'histoire -
« Pourquoi t'sors pas pour aller jouer avec eux ? » J'me cramponnais toujours à la fenêtre, comme s'il allait soudainement s'avancer pour m'foutre dehors, Ezio -
Daddy - mais il l'faisait jamais, évidemment. C'juste la peur. La peur qui m'tiraillait.
« Et s'ils m'aimaient pas? » j'prendrais pas le risque - j'sais pas jouer avec l'tapis blanc, j'sais pas glisser, j'suis pas assez bien.
J'serais jamais assez bien. « Il va rentrer tard, c'soir Alphard, alors c'est moi qui t'fait la classe aujourd'hui. » C'pas si mal, autour d'la table du salon, alors qu'derrière lui y a les éponges qui nettoient seules les assiettes et les couverts - elles tournent, et tournent, et tournent - et ca brille. Ca brille, d'flamboyantes étincelles.
« Tu m'écoute pas, Lyra. » « Pardon, m'en veux pas, je t'écoute - je t'écoute attentivement, c'est promis » - y a toujours la panique, d'le décevoir. J'veux pas l'décevoir, jamais. Mais y a rien d'plus qu'un sourire sur son visage parfait, et il m'tend un manuel que j'prends pour lui montrer comme j'sais lire - j'ai lu, beaucoup, longtemps pour que ce soit parfois. Parce qu'il y a rien d'moins à attendre que la perfection pour pas le décevoir.
Dehors y avait un garçon - un garçon avec d'blonds cheveux, qui semblait toujours trop pâle - pas qu'ca soit laid, bien au contraire, c'tait comme être sculpté dans l'marbre. Une oeuvre d'art - comme celles qu'me montre Papa quand il trouve d'nouveaux livres moldus. Il en a plein - en plus d'tous les récits d'aventures d'sorciers dans l'monde, et de ses ouvrages scientifiques qu'il m'interdit d'toucher pour le moment.
Et y a c'blond - c'beau blond qui m'fait battre vite le coeur.
Un jour j'crois qu'il m'a vue aussi.
J'me suis cachée derrière les rideaux - qui ont bougé tout seul.
Mais j'ai sorti un oeil, et il s'trouvait toujours là.
Il a rit - et j'ai pas cessé d'imaginer l'son de son rire.
Onze ans.
Il neige - encore. Y a un hibou qui est venu, avec une lettre dans le bec. Papa l'a ouverte, Daddy avec lui - j'l'ai lu aussi. Ecole de sorcellerie Poudlard.
Panique - j'ai l'coeur qui bat trop vite, les pensés qui s'effondrent, et rien - j'veux pas, j'veux pas.
« T'ira pas. T'restera ici, Lyra. » Il ferme ses bras autour d'moi - et tout devient plus calme, l'coeur qui s'apaise, et l'parfum de mon père autour de moi. Je m'y accroche. J'veux pas le lâcher - j'veux jamais qu'il me lâche. Jamais.
« On t'fera les cours à la maison. Personne n'a b'soin d'aller à Poudlard pour être un sorcier. » « Et si j'veux pas? Si j'veux pas être une sorcière ? » C'est l'silence qui répond, alors qu'les lumières elles s'font d'plus en plus basse - c'est dans l'sang, Lyra, qu'ils me diront plus tard. J'pas le choix - c'pas un choix. C'est comme ca.
Alors j'apprendrais.
« J'apprendrais à être une sorcière. Et j'apprendrais à l'cacher. » Lyra, tu as déjà pensé à ton avenir ? - mon avenir sera celle de Sassy Lachance. J'suis pas Lyra Black, j'veux jamais être Lyra Black.
L'été y a l'soleil qui frappe contre la fenêtre d'la chambre. Il frappe - comme dehors y a des gamins qui jouent au
baseball ou truc du genre. Puis - puis la balle elle tombe dans l'jardin, alors j'sors. Ca arrive jamais - j'sors - j'fais pas gaffe, c'juste comme ca. J'prends la balle, et m'retrouve devant des paires d'yeux curieux. Des paires d'yeux, et rien à dire en retourne.
Quinze ans - l'coeur qui frappe fort. Trop fort, et les mots qui sortent pas. Ils sont là, trop nombreux, et j'ai la vue qui s'brouille, sachant pas quoi dire. Quoi faire. Quoi quoi -
« Hey Sassy girl, t'rends la balle ? » J'reste figée, comme il est là. Panique, panique.
Badoum, badoum. Il parle encore - puis tout à coup y a plus qu'lui. Il ouvre la barrière et m'tend la main - il est proche. Proche - l'beau blond aux yeux bleus - bleu trop clair, et la peau trop pâle.
« T-t-t-t-tiens. » Il sourit - pourquoi c'si simple. Qu'il a suffit qu'il sourit - lui - pour qu'tout devienne plus simple.
« Comment tu t'nomme ? » « Sassy c'bien. » « T'sérieuse ? » « Et p'têtre, un jour, Sassy Lachance. » Seize ans - robe blanche courte, un sourire d'gamine sur le visage, et l'impression qu'tout va pour l'mieux. Qu'il s'trouve pas un monde terrifiant dehors, juste Cash. Cash - et ma chance, Lachance. Rien d'moins, rien d'pire - lui, c'tout ce qu'il y a d'mieux.
« Il doit jamais savoir, Lyra. » J'perds mon sourire, m'tournant vers Ezio qui termine d'remettre son noeud à Alphard - Daddy et Papa.
Il doit jamais savoir - qu'dans mon sang coule d'la noire magie, d'la mort ou d'la magie - c'tout pareil, c'tout autant terrifiant. J'veux pas user de baguette, même si j'en ai une. J'veux pas apprendre, sauf dans les livres - alors j'apprends avec Alphard, à comprendre la magie pour mieux la maitriser. En faire un outil qui a plus d'secret - comme ca c'moins terrifiant.
« C'est Sassy, maintenant. Lyra a crevé, y a longtemps. J'veux être plus qu'Sassy Lachance. » Y a plus d'nous deux, enfermée dans la maison, à être Sassy - c'facile d'être Sassy. Elle aime son mari plus qu'tout Sassy, trouvant des emplois par correspondance parce qu'elle préfère être à la maison. Elle préfère - elle dit ca, mais tous les deux ils savent qu'c'est parce qu'elle a peur du dehors. Il cherche pas à comprendre Cash, il m'prend comme j'suis - m'aime comme ca. Puis il y a les autres - ils sont rapidement apparus sans être caché - parce qu'Cash il m'cache rien, jamais.
Moi si - tout. Tout - sauf qu'c'est plus des secrets, comme c'est une vie qu'j'ai préféré laisser à l'arrière.
Il reste qu'nous alors. Deux moldus - dans un monde fait pour nous. Et rien d'plus - on vit pas loin d'chez papa et daddy. Ils viennent parfois l'dimanche, pour un poulet ou autre chose.
C'est facile.
C'toujours facile d'aimer Cash - la vie, c'toujours plus facile, avec Cash.
« J'comprends pas, Caliss c'un verbe ou une injure ? » « En vrai c'un juron, qu'tu peux transformer en verbe. » « Alors quoi - t'es un caliss ou tu m'les caliss ? » « Mon caliss m’a t’en crisser une sa yeule genre » « ... » tu lui mens, Sassy, tu lui mens et un jour il t'en voudras pour cela. Il faut de l'honnêteté dans un couple. - mais j'ai promis à papa. Alors comment on choisit entre la loyauté et la sincérité ?
C'est un hibou - c'toujours un hibou, et j'déteste ces oiseaux. J'déteste, comme il y a une lettre qui pend dans l'bec paresseusement, et Daddy qui la prend comme chaque fois avant d'le faire vite partir pour qu'Cash l'voit pas. J'prends un thé, chez Cash et moi, comme toujours quand Papa il reste tard au travail - il est pas revenu d'puis trois jours, disant qu'il est prêt d'comprendre l'Elixir d'seconde chance - j'pas du genre à aimer m'rappeler qu'le sang au-dedans il est magique, mais quand il s'agit d'science c'est toujours obsédant.
Faut comprendre l'monde. Faut l'comprendre pour l'contrôler.
Puis parfois ca s'effondre. L'coeur qui tambourine, y a rien qui fait d'sens. Alors j'pars - j'pars pour retrouver les bras d'Cash. C'est papa, c'est papa.
C'est papa qui a crevé.
« T'peux pas lui cacher plus longtemps, Sassy. T'peux pas lui cacher, faut de l'honnêteté dans un couple. » « Il va m'détester d'lui avoir rien dit - c'tait pour le protéger. C'tait pour le protéger hein ? » « Il voudra pas t'laisser y aller seule, alors tu dois lui dire maintenant. » « J'veux pas - j'veux pas l'perdre. J'veux pas - mais j'peux pas l'cacher plus t'as raison. J'veux pas - et j'dois rentrer en Angleterre. J'ai peur - j'ai peur. » « Alors c'est que t'aime pour d'vrai Sassy. Aimer, c'jamais cessé d'avoir peur - parce que c'est avoir quelque chose à perdre. » C'la tête que j'ai perdu. Braquant un regard désolé vers mon
mari, espérant qu'il retrouve sa capacité à parler rapidement. Sauf qu'on a pas l'temps - l'temps s'échappe, et les funérailles d'Alphard ont lieux demain. Demain - après des mois à attendre pour être certain - assassinat, ou pas. Et pourquoi s'trouve sur son testament qu'un cousin dit traitre - Sirius Black - en possession des recherches.
L'Elixir d'seconde chance - qui lui a couté la vie. Alors - alors c'est à moi, à présent, d'reprendre là où il a pas pu continuer. C'est à moi - c'une promesse, une idée, une conviction.
C'une bombe fracassée au milieu du salon, où s'trouve plus rien d'autre qu'Cash qui s'arrache les cheveux en grognant. Et mon coeur qui tambourine d'angoisse - d'angoisse d'savoir que j'suis plus c'qu'il lui faut. J'suis plus
la seule fille qu'il pourra aimer. Comme maintenant il trouvera juste moyen d'me détester.
« J’suis même pas high et j’t’en train d’vivre le plus gros badtrip d’ma vie. T’es une sorcière babe? C’quoi toutes ces conneries? Pourquoi y veulent nous surveiller, les agents du Ministère? Puis c’quoi l’fuck à m’pointer du doigt en m’traitant de fucking moldu? Ça bouffe quoi en hiver un moldu, Sassy? Caliss, tu m’as mentit sur toute la ligne? J’en reviens pas criss, j’comprends rien! » Il gueule - il gueule - c'toujours des martèlements dans ma tête - m'rappelant de respirer pour pas m'mettre à plus penser. A perdre la tête à mon tour. Moldue - molue - oublier l'sang noire qui coule dans mes veines. Et m'tenir droite, devant Cash, pour être forte. C'était toujours simple d'être forte avec Cash - alors qu'le reste du monde dehors cherche juste à m'dévorer.
Il pleut.
Dix-huit ans. il pleut. Cash il s'trouve dans la chambre, comme toujours - après être rentré trop tard, avec d'autre pas pour l'suivre dans l'lit. Pas les miens - c'pas si douloureux. Ca l'est pas comme il est toujours là. Il est resté - j'sais pas pourquoi - bien qu'il parle pas, sauf en injures qu'j'ai toujours pas réussi à saisir. Il parle trop vite, trop fort, trop - trop - mais c'Cash qui a jamais su être moins qu'trop.
Moi j'suis dans mon bureau, fermée à clé, c'rampart au reste du monde, et devant moi l'parchemin signée d'ma main. Pour
Sirius Black. L'aide d'un cousin éloigné, pour retrouver les recherches d'Alphard, les reprendre où il s'est arrêté. Arrivée depuis trois jours - ou plus ou moins - après avoir enterré l'père perdu.
Y a toujours les couleurs des larmes d'Ezio derrière mes yeux quand j'veux m'endormir. Alors j'dors pas.
Y a le lit qui grince, qui tape contre le mur. C'pas nouveau - la routine s'reprendre, se réinstalle. C'est rassurant. C'rassurant, et fait taire l'angoisse. J'sais qu'il aime pas que j'angoisse, Cash - il a jamais aimé. J'sais qu'il cherche à m'rappeler qu'être rassurée, malgré tout.
J'crois que j'suis toujours la seule femme qu'il peut aimer - mais y a un truc brisé. Un truc brisé qu'la magie peut pas réparer. Pas la mienne, pas celle qui m'coule dans les veines noires. Y a un truc brisé, un silence qui terni les lumières autour d'nous.
Y a rien qu'le temps pour tenter d'nous sauver.
Le temps.
Et un peu d'chance.